“Implanté à Marseille depuis plusieurs dizaines d’années, Frédéric Clavère est l’auteur d’une œuvre picturale foisonnante, d’une singulière vitalité. D’ailleurs peu montrée localement, et moins encore dans le cadre d’expositions personnelles, elle méritait en conséquence un nouvel éclairage. Casu Martzu ambitionne ainsi de mettre en lumière un travail complexe, questionnant pertinemment la figure et les pratiques contemporaines de l’image, tout en convoquant l’histoire de la peinture, depuis les primitifs flamands jusqu’aux figuralités baconienne ou richtérienne par exemple, en passant par le surréalisme. Autant de démarches et de courants pourvoyeurs de préoccupations existentielles qui paraissent également habiter l’artiste.
L’intitulé de l’exposition reprend le nom d’un « fameux » fromage sarde, connu pour être ensemencé de larves vivantes, délibérément introduite en son cœur, et qu’on recommande de manger en se protégeant les yeux. L’allusion à ce « fromage pourri » (traduction littérale de casu martzu) pourrait laisser croire à une franche facétie du peintre, si ce n’est qu’elle renvoie plus ou moins directement à sa pratique. Outre le fai t qu’elle soit rompue à la farce – pourvu qu’elle soit piquante, ironique ou tragicomique –, Frédéric Clavère la qualifie lui-même de pot-pourri.
D’évidence, le recours à ce dernier terme consigne d’abord la méthode fondatrice de l’œuvre, héritière du collage ou indexée à ce procédé. Elle permet à l’artiste d’annexer et d’agréger des ressources disparates et de provenances diverses, qu’elles soient savantes ou populaires, sous une forme radicalement décomplexée, sans craindre les collisions et les paradoxes. S’il en va ainsi des manières employées comme de l’iconographie empruntée, c’est également le cas des sujets problématiques convoqués en regard de ce pot-pourri, désormais polysémique, dont il est ici question.”